D’emblée, il paraît évident de dire que la question des femmes pose problème en Islam. Nous ne cesserons jamais de le dire, la situation des musulmanes est loin d’être homogène. En fonction de l’époque et des sociétés, leur vécu peut être très différent, allant d’une discrimination flagrante à une plus grande émancipation. Dans ces deux cas, l’Islam est convoqué pour légitimer soit l’injustice commise à leur encontre, soit leur avancée en matière de droits.
Il en résulte une cacophonie discursive. Partout dans le monde, nous n’arrivons plus à distinguer le vrai du faux à ce propos. Les premières concernées sont d’abord les musulmanes attachées à leur foi. A cause de leur surexposition à ces discours contradictoires, celles-ci sont troublées dans leur cheminement spirituel et dans leur équilibre personnel et ce, qu’elles soient orientales ou occidentales.
Oulémas, juristes, psychologues, sociologues, politologues, politiciens, journalistes, etc. Tous se mêlent de leur sort. Chacun y va de son savoir, forcément limité, voire de sa manipulation (in)volontaire de la vérité. Rarement convoquées pour parler en leur nom propre, elles se saisissent des moyens en leur possession pour revendiquer leurs droits au sein de leur société et communauté de foi. C’est ainsi que les codes des statuts personnels sont régulièrement révisés dans les pays arabo-musulmans et qu’un effort d’appropriation et de relecture féministe des textes sacrés est en cours.
Le patriarcat, universellement répandu et mêlé à la décadence de la civilisation arabo-musulmane, a fini par étouffer le potentiel libérateur du message coranique tendant vers un idéal de justice, de dignité et d’égalité entre les êtres. En érigeant l’interprétation humaine et masculine du référentiel scripturaire islamique en vérité divine, une certaine partie de l’exégèse musulmane a légitimé la discrimination des femmes au nom de Dieu. Le juridisme poussé à outrance de la lecture rigoriste et littéraliste a figé le corpus coranique dans des pratiques misogynes et sclérosées.
A travers les siècles, des voix endogènes concernées par la Réforme de l’Islam se sont élevées contre la discrimination des femmes pour dire que la conciliation entre sources scripturaires et revendications féminines est possible grâce à un effort d’ijtihad(de relecture) du référentiel sacré. Des avancées remarquables allant dans le sens de l’égalité des sexes ont été réalisées dans certains contextes sur ce sujet. C’est le cas en Egypte en 2000, de la Mauritanie en 2001, du Maroc en 2004, de l’Algérie en 2005. C’est également le cas en Occident où des femmes se revendiquent de plus en plus comme étant féministes et musulmanes, pour faire valoir leurs droits aussi bien dans leur communauté de foi qu’en dehors, en refusant de devoir choisir entre leur double référentiel.
Le soufisme, soit la branche mystique de l’Islam, caractérisé par une plus grande lutte contre l’ego et donc, contre tout mauvais penchant envers la domination et le pouvoir, a également su offrir un plus grand espace de liberté aux femmes dans le passé. Ainsi, il est allé jusqu’à leur ouvrir le champ de la sainteté.
Globalement, force est de constater que ces voix ne réussissent toujours pas à nous proposer un modèle d’émancipation féminin global et équilibré, qui soit en phase avec les revendications féminines et féministes d’aujourd’hui. Néanmoins, il faut les voir et les encourager car elles sont une véritable alternative capable d’arracher les femmes musulmanes à la lecture rigoriste de l’islam et aux menaces qui en découlent.
En France, le radicalisme djihadiste, davantage basé sur religiosité émotionnelle que sur une réelle adhésion à la foi et à la pratique musulmanes, touche de plus en plus de jeunes femmes. Toutes les lectures littéralistes, rigoristes et/ou patriarcales des sources religieuses ne mènent pas forcément au djihadisme. Cessons l’amalgame et apportons de la nuance à l’évaluation de ce phénomène alarmant encore nouveau. Admettons cependant l’instrumentalisation des contours discursifs de ces interprétations des textes musulmans dans la fabrication d’un univers de sens poussant ces jeunes femmes (et hommes !) à la rupture, puis au terrorisme.
Naila LEMRAZI
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