Le président Macron a annoncé, mercredi 30 septembre au soir, devant les responsables religieux réunis à l’Élysée, son intention d’encourager le culte musulman à adopter le régime des associations loi 1905 en contrepartie d’avantages fiscaux.
Recueilli par Mélinée Le Priol avec Arnaud Bevilacqua et Héloïse de Neuville
Annoncée depuis environ deux ans, la modification de la loi de 1905 devrait bien avoir lieu. Sans toucher aux grands principes de ce texte fondateur de laïcité à la française, mais en revenant au contraire à son « esprit originel ». Voilà ce que le président Macron a annoncé aux représentants des cultes reçus à l’Élysée mercredi 30 septembre au soir. Toilettage, actualisation ? C’est plutôt vers un « renforcement » que l’exécutif semble s’orienter, précise-t-on au ministère de l’intérieur, avant de rappeler que le texte a déjà été modifié « 17 fois » depuis son adoption.
Cette dix-huitième modification portera sur un sujet à première vue technique, mais qui fait débat depuis une vingtaine d’années : le statut des associations cultuelles. Le gouvernement souhaite pousser les associations loi 1901 dites « mixtes » (qui ont un objet à la fois cultuel et non cultuel) à passer sous le régime institué par la loi de 1905 – qui concerne les associations spécifiquement cultuelles. Ce dernier régime est en effet plus exigeant en matière de contrôle et de transparence, la gestion devant notamment être approuvée par une assemblée générale annuelle.
« Il y a deux solutions : obliger ou inciter les associations à entrer sous le statut loi 1905. Ce n’est pas encore tranché », détaille-t-on au ministère de l’intérieur. Une telle « obligation » pourrait toutefois s’avérer difficile à mettre en œuvre, selon plusieurs connaisseurs du dossier qui anticipent déjà de possibles recours juridiques. Des incitations pourraient en revanche être aisément renforcées, ce régime de la loi de 1905 offrant déjà des avantages fiscaux – comme des exonérations sur les dons et les legs, ou encore l’exonération de la taxe foncière et de la taxe d’habitation.
En France, les cultes juifs et protestants (dont les évangéliques) sont très largement sous le régime de la loi de 1905.
En France, les cultes juifs et protestants (dont les évangéliques) sont très largement sous ce régime de la loi de 1905. Le culte catholique, lui, dispose depuis 1924 d’associations diocésaines placées sous la présidence de l’évêque, suite au refus de l’Église de constituer des associations cultuelles.
Les associations qui gèrent les mosquées, elles, relèvent pour la plupart de la loi de 1901. Le consultant Hakim El Karoui, qui plaide depuis des années pour plus de transparence dans le financement du culte musulman, voit quatre raisons à cela. « Tout d’abord, la méconnaissance des bénéfices du régime de la loi de 1905, la plupart des mosquées construites en France il y a un demi-siècle ayant été lancées par des gens qui n’avaient pas fait beaucoup d’études. Ensuite, le manque d’enthousiasme de certains maires à voir se monter une association explicitement musulmane sur leur commune. La facilité de gestion entre aussi en compte, puisque le régime loi 1905 est plus contraignant que le régime loi 1901. Enfin, certaines mosquées cherchent tout simplement à éviter les contrôles. »
En Seine-Saint-Denis, seulement six mosquées sont sous le régime de la loi de 1905, sur une centaine en tout. Mohammed Henniche, secrétaire de l’Union des associations musulmanes du département, évoque en premier lieu la peur d’une « surcharge administrative » de la part des bénévoles gérant les mosquées, mais aussi la crainte de leurs présidents de se trouver « sous la tutelle » du préfet : « Plusieurs m’ont déjà dit qu’ils préféraient renoncer à des avantages fiscaux, mais garder leur liberté. »
Abdelaziz El Jaouhari, président du Centre d’études et d’initiatives musulmanes des Yvelines, estime au contraire que contraindre le culte musulman à passer sous le régime de la loi de 1905 offrirait une « dynamique positive » à sa communauté, garantissant plus de clarté quant à la gestion des fonds, « parfois totalement opaque ».
Les responsables des autres cultes affichent pour leur part des positions contrastées. Si le président de la Fédération protestante de France (FPF), François Clavairoly, voit dans cette annonce visant principalement l’islam une « mesure d’harmonisation cohérente avec ce qui se fait dans les autres cultes en France », le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF), Vincent Neymon, estime que la France a trouvé, avec la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905, « un régime d’équilibre ». « Toucher à cette loi pour des raisons conjoncturelles, mêmes importantes, peut être dangereux », avance-t-il, redoutant d’éventuels « effets collatéraux ».
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